Revitaliser la démocratie par la participation citoyenne
[Michel Robert]
Mis en ligne le 11 avril 2014, publication : Volume 3, numéro 3
Depuis maintenant de nombreuses années, on entend parler des crises vécues par les populations de partout à travers la planète et les défis à relever semblent immenses. Le rapport marchand et la surconsommation s’imposent aux dépens des liens sociaux; les ressources naturelles diminuent à un rythme inquiétant et leur extraction s’invite de plus en plus dans nos arrière-cours; les villages font face à des problèmes récurrents de dévitalisation au profit des villes; les changements climatiques font craindre le pire et bien plus encore. Face à tout cela, le secteur politique tente de trouver des solutions, mais il se trouve confronté à une crise de confiance et à un cynisme rarement égalé.
Pour prévenir les difficultés et répondre aux besoins actuels, de nombreuses avenues s’offrent aux décideurs. Lesquelles devrait-on privilégier? Quel pourrait être le catalyseur des forces en présence au Bas-Saint-Laurent ? La clé du problème n’est évidemment pas simple et exige une pluralité de démarches. Toutefois, une avenue pourrait s’attaquer aux problèmes sous de nombreux angles. Il s’agit de la mobilisation des citoyens à prendre part au développement de leur région, soit ce que nous appellerons la participation citoyenne.
On parle ici de participation citoyenne dans un sens large, c’est-à-dire les actions qu’un individu va poser afin d’améliorer sa communauté ou sa région. Il peut s’agir notamment de faire du bénévolat, mais également de s’engager dans d’autres types d’actions au niveau social, environnemental et économique. C’est de participer à des pressions politiques ou de s’engager politiquement et d’encourager et de développer l’art et la culture. C’est aussi s’informer et sensibiliser d’autres citoyens sur des enjeux sociétaux et prendre le temps de choisir des produits et services qui respectent l’environnement et l’humain. Il ne s’agit pas là d’une liste exhaustive des actions liées à la participation citoyenne, mais ces exemples offrent un aperçu de la diversité des gestes possibles pour améliorer notre vie collective. Bien qu’ils puissent sembler banals, ces comportements offrent un pouvoir d’action sans équivoque aux défis soulevés. En effet, cette participation citoyenne provoque un double effet, influençant à la fois la communauté et l’individu qui se mobilise. Et comme le changement de l’individu suscite le changement dans la communauté et vice-versa, la participation citoyenne initie une spirale à la source de la transformation du territoire.
Sur le plan personnel, la participation citoyenne nous permettrait de mieux se connaître et de reconnaître nos propres valeurs, de créer des liens avec notre entourage et de développer des compétences civiques, telles que l’écoute et l’expression. Ce développement amène souvent une meilleure prise de conscience du Nous et un intérêt concernant les difficultés et opportunités de notre communauté. La meilleure compréhension du monde qui en découle, ainsi que les compétences acquises, offrent un pouvoir permettant de s’approprier notre devenir collectif. Aussi, ce pouvoir favorise le sens des responsabilités et fait en sorte que la société prend davantage de sens puisque nous sommes en mesure de lui en donner par nos actions.
Du point de vue collectif, la participation citoyenne permet de combler le déficit démocratique en donnant plus de légitimité aux dirigeants et en faisant contrepoids aux puissants lobbys économiques, puisque la prise de décision est davantage partagée avec les citoyens qui s’expriment de mille et une façons. L’appropriation de l’espace public par les citoyens permet également d’offrir une alternative aux visions managériales de l’État, qui impose trop souvent des décisions prises en fonction des besoins du marché économique, c’est-à-dire la production et la consommation. L’approche participative possède au contraire l’avantage d’aborder les défis d’une façon beaucoup plus conviviale, informelle et personnelle, en favorisant les contacts humains et en permettant un rapport égalitaire. Ces engagements pris par des milliers de citoyens sont une source intarissable d’innovation et de vitalité, permettant ainsi une reprise en charge du territoire, davantage adaptée aux besoins et aux intérêts de chaque communauté.
Ce modèle de participation citoyenne a notamment été adopté par la municipalité de plus en plus connue de Saint-Camille en Estrie. Ce village, défavorisé dans les années 1980, a en effet favorisé la mobilisation de ses citoyens qui ont, par leurs efforts, réussi à ranimer la municipalité en la transformant à leur image. Ils ont ainsi diversifié l’économie, multiplié les projets, les groupes et les réseaux et ont mis en priorité le respect de la nature. Leur travail a fait descendre le chômage à un taux impressionnant et a permis d’inverser la courbe démographique descendante, qui menaçait autrefois le village de fermeture. Ce regain de population du village s’explique notamment par le fait que de plus en plus de citoyens recherchent cette convivialité et cette qualité de vie, offerte par la participation citoyenne.
Pour favoriser cet engagement, on ne peut économiser nos efforts pour reconnaître l’implication des citoyens et pour leur offrir un pouvoir effectif. Il importe ainsi de réfléchir aux structures existantes sur le territoire et de les adapter, de façon à permettre davantage de mobilisation. L’appropriation du milieu de vie est en effet susceptible d’être encore plus significative si les décisions auxquelles les individus ont contribué à prendre ont une réelle influence sur leur quotidien. C’est ce sentiment d’avoir une emprise sur le devenir collectif qui atténuera le sentiment d’impuissance qui est le germe même du cynisme ambiant.
Bien que la participation citoyenne ne soit pas la solution unique aux problèmes de la région, cette avenue demeure une réponse incontournable pour améliorer son attractivité, sa revitalisation, sa prospérité et sa convivialité. En ce faisant, il n’est pas seulement question de rendre service à la collectivité, mais aussi d’aller à la rencontre de soi et des autres, de nos idéaux et de voir émerger l’énergie et la créativité mises en œuvre pour construire quelque chose… dont vous seul êtes à même de découvrir.
Références bibliographiques
HALL, Michael, David LASBY, Steven AYER et William David GIBBONS. 2009. Canadiens dévoués. Statistique Canada, 97 p.
INM. 2014. « Démocratie et participation citoyenne ». Site web de l’Institut du Nouveau Monde, consulté le 24 février 2014. URL : http://www.inm.qc.ca/democratie/documentation/participation-citoyenne
PANET-RAYMOND, Jean, Joël ROUFFIGNAT et Lise DUBOIS. 2002. « Le bénévolat comme passage vers le développement social ». Nouvelles pratiques sociales, vol. 15, n° 2, p. 104-119.
SINTOMER, Yves. 2011. «Délibération et participation: affinité élective ou concepts en tension?», dans Participations, vol. 1, pp. 239-275
THIBAULT, André, Julie FORTIER et David LECLERC. 2011. Rapport de recherche, Bénévolats nouveaux, approches nouvelles. Laboratoire en loisir et vie communautaire, 63 p.
Pour prévenir les difficultés et répondre aux besoins actuels, de nombreuses avenues s’offrent aux décideurs. Lesquelles devrait-on privilégier? Quel pourrait être le catalyseur des forces en présence au Bas-Saint-Laurent ? La clé du problème n’est évidemment pas simple et exige une pluralité de démarches. Toutefois, une avenue pourrait s’attaquer aux problèmes sous de nombreux angles. Il s’agit de la mobilisation des citoyens à prendre part au développement de leur région, soit ce que nous appellerons la participation citoyenne.
On parle ici de participation citoyenne dans un sens large, c’est-à-dire les actions qu’un individu va poser afin d’améliorer sa communauté ou sa région. Il peut s’agir notamment de faire du bénévolat, mais également de s’engager dans d’autres types d’actions au niveau social, environnemental et économique. C’est de participer à des pressions politiques ou de s’engager politiquement et d’encourager et de développer l’art et la culture. C’est aussi s’informer et sensibiliser d’autres citoyens sur des enjeux sociétaux et prendre le temps de choisir des produits et services qui respectent l’environnement et l’humain. Il ne s’agit pas là d’une liste exhaustive des actions liées à la participation citoyenne, mais ces exemples offrent un aperçu de la diversité des gestes possibles pour améliorer notre vie collective. Bien qu’ils puissent sembler banals, ces comportements offrent un pouvoir d’action sans équivoque aux défis soulevés. En effet, cette participation citoyenne provoque un double effet, influençant à la fois la communauté et l’individu qui se mobilise. Et comme le changement de l’individu suscite le changement dans la communauté et vice-versa, la participation citoyenne initie une spirale à la source de la transformation du territoire.
Sur le plan personnel, la participation citoyenne nous permettrait de mieux se connaître et de reconnaître nos propres valeurs, de créer des liens avec notre entourage et de développer des compétences civiques, telles que l’écoute et l’expression. Ce développement amène souvent une meilleure prise de conscience du Nous et un intérêt concernant les difficultés et opportunités de notre communauté. La meilleure compréhension du monde qui en découle, ainsi que les compétences acquises, offrent un pouvoir permettant de s’approprier notre devenir collectif. Aussi, ce pouvoir favorise le sens des responsabilités et fait en sorte que la société prend davantage de sens puisque nous sommes en mesure de lui en donner par nos actions.
Du point de vue collectif, la participation citoyenne permet de combler le déficit démocratique en donnant plus de légitimité aux dirigeants et en faisant contrepoids aux puissants lobbys économiques, puisque la prise de décision est davantage partagée avec les citoyens qui s’expriment de mille et une façons. L’appropriation de l’espace public par les citoyens permet également d’offrir une alternative aux visions managériales de l’État, qui impose trop souvent des décisions prises en fonction des besoins du marché économique, c’est-à-dire la production et la consommation. L’approche participative possède au contraire l’avantage d’aborder les défis d’une façon beaucoup plus conviviale, informelle et personnelle, en favorisant les contacts humains et en permettant un rapport égalitaire. Ces engagements pris par des milliers de citoyens sont une source intarissable d’innovation et de vitalité, permettant ainsi une reprise en charge du territoire, davantage adaptée aux besoins et aux intérêts de chaque communauté.
Ce modèle de participation citoyenne a notamment été adopté par la municipalité de plus en plus connue de Saint-Camille en Estrie. Ce village, défavorisé dans les années 1980, a en effet favorisé la mobilisation de ses citoyens qui ont, par leurs efforts, réussi à ranimer la municipalité en la transformant à leur image. Ils ont ainsi diversifié l’économie, multiplié les projets, les groupes et les réseaux et ont mis en priorité le respect de la nature. Leur travail a fait descendre le chômage à un taux impressionnant et a permis d’inverser la courbe démographique descendante, qui menaçait autrefois le village de fermeture. Ce regain de population du village s’explique notamment par le fait que de plus en plus de citoyens recherchent cette convivialité et cette qualité de vie, offerte par la participation citoyenne.
Pour favoriser cet engagement, on ne peut économiser nos efforts pour reconnaître l’implication des citoyens et pour leur offrir un pouvoir effectif. Il importe ainsi de réfléchir aux structures existantes sur le territoire et de les adapter, de façon à permettre davantage de mobilisation. L’appropriation du milieu de vie est en effet susceptible d’être encore plus significative si les décisions auxquelles les individus ont contribué à prendre ont une réelle influence sur leur quotidien. C’est ce sentiment d’avoir une emprise sur le devenir collectif qui atténuera le sentiment d’impuissance qui est le germe même du cynisme ambiant.
Bien que la participation citoyenne ne soit pas la solution unique aux problèmes de la région, cette avenue demeure une réponse incontournable pour améliorer son attractivité, sa revitalisation, sa prospérité et sa convivialité. En ce faisant, il n’est pas seulement question de rendre service à la collectivité, mais aussi d’aller à la rencontre de soi et des autres, de nos idéaux et de voir émerger l’énergie et la créativité mises en œuvre pour construire quelque chose… dont vous seul êtes à même de découvrir.
Références bibliographiques
HALL, Michael, David LASBY, Steven AYER et William David GIBBONS. 2009. Canadiens dévoués. Statistique Canada, 97 p.
INM. 2014. « Démocratie et participation citoyenne ». Site web de l’Institut du Nouveau Monde, consulté le 24 février 2014. URL : http://www.inm.qc.ca/democratie/documentation/participation-citoyenne
PANET-RAYMOND, Jean, Joël ROUFFIGNAT et Lise DUBOIS. 2002. « Le bénévolat comme passage vers le développement social ». Nouvelles pratiques sociales, vol. 15, n° 2, p. 104-119.
SINTOMER, Yves. 2011. «Délibération et participation: affinité élective ou concepts en tension?», dans Participations, vol. 1, pp. 239-275
THIBAULT, André, Julie FORTIER et David LECLERC. 2011. Rapport de recherche, Bénévolats nouveaux, approches nouvelles. Laboratoire en loisir et vie communautaire, 63 p.