— Enlève ça de la table et va te laver les mains. On va souper.
Anaïs saisit la pancarte à deux mains. Une pancarte en métal. Massive. Surtout, ne pas l'échapper.
On lui a donné une pancarte à l'école. Un hexagone. Huit côtés identiques.
J'ai appris ça avec madame Margot. He-xa-go-ne.
Anaïs soulève la pancarte au-dessus de sa tête. Comme lorsqu'elle attend les petits dans la cour d'école.
— Anaïs, arrête de jouer avec ça. C'est lourd, tu vas te faire mal.
Madame Margot dit que je suis la plus grande de ma classe. Que ça prend des bras forts pour tenir la pancarte. Haute. Sinon, on ne verra pas les chiffres.
Anaïs range la pancarte dans le placard de l'entrée, sur la tablette du haut.
— Dépêche-toi, le souper est prêt !
Des fois, je me mets sur la pointe des pieds. Me grandir encore plus. Pour être sûre que les plus petits voient la pancarte, eux aussi.
— Il est 7 h pis il est pas encore arrivé. Ça fait deux fois cette semaine. Il sait que le souper est prêt à 6 h.
Anaïs lève son assiette haut dans les airs.
— Anaïs ! Arrête de jouer pis mange !
— Mais maman, mon spaghetti est froid.
— Pis c'est de ma faute peut-être ?
Maman dit que ça goûte pas pareil, du réchauffé. Moi je trouve que c'est mieux quand c'est chaud. Même si c'est réchauffé.
Le téléphone sonne. Il ne viendra pas souper. La mère raccroche et commence à manger. Debout, dans la cuisine.
Anaïs reprend son assiette et la soulève au-dessus de sa tête. Assez haut pour que sa mère la voie.