Société
CROYANCES & CULTURES D’ICI ET D’AILLEURS
Cosmologies amérindiennes : le chamane inuit, médiateur entre deux univers
[Adeline Mantyk]
Mis en ligne le 28 août 2013, publication : Volume 3, numéro 1
L’angakkuq (au pluriel, angakkuit), ou chamane inuit, jouait un rôle important au sein des diverses communautés inuites. Intercesseur entre le monde des humains et celui des esprits, il avait en charge le bien-être de la communauté et le respect des règles.
Comment devient-on un angakkuq ?
La majorité des angakkuit entamaient leur initiation à l’adolescence, sous la direction d’un ou plusieurs chamanes. Mais la vocation pouvait arriver avant même la naissance, ou encore plus tardivement, à l’occasion d’événements marquants, tel un accident ou la perte brutale d’un proche. Cependant, tout le monde ne pouvait devenir chamane. Il fallait passer par toute une initiation qui ne pouvait avoir lieu avant que la personne choisie ait un contact avec un tuurngaq (l’esprit qui aide le chamane, son « esprit-auxiliaire »), qui approchait le chamane en premier. Les tuurngait sont des esprits, les âmes de parents décédés, des esprits-maîtres de différentes espèces animales ou des entités du monde terrestre ou aquatique. Ils peuvent être esprits des lacs, des rivières, des montagnes, ou esprits invisibles. Puis, le candidat devait passer toute une série d’épreuves, dont acquérir la vision chamanique, le pouvoir de voir les choses surnaturelles, cachées. Il fallait également qu’il s’enrichisse d’un vocabulaire spécifique, difficile d’accès, pour communiquer avec les esprits. L’apprentissage était ardu et pouvait s’étaler sur plusieurs hivers.
Quels sont les pouvoirs d’un angakkuq ?
Une fois devenu chamane, celui-ci pouvait être appelé pour régler de nombreux problèmes au sein de la communauté. Pour ce faire, il invoquait les esprits à l’aide de son tuurngaq (un chamane peut posséder plusieurs tuurngait au cours de sa vie) dans le but de trouver les raisons qui provoquaient la colère des esprits. Bien souvent, il s’agissait du non-respect des tabous. Une fois les esprits apaisés, le chamane retournait dans sa communauté pour rétablir l’harmonie. Chaque séance était accompagnée d’une confession collective des transgressions des membres de la communauté, un peu à la manière du sacrement chrétien de la confession publique.
En ce qui concerne ses diverses tâches, le chamane pouvait également être appelé pour procurer du gibier à sa communauté dans les temps de famine. En effet, les Inuit, dépendaient entièrement des animaux pour leur subsistance (nourriture, combustible, armes, vêtements, etc.). La chasse était donc leur seul moyen de survie. Dans la cosmologie inuite, les esprits des animaux étant très importants, il était essentiel de respecter de nombreux interdits ou tabous afin que les animaux acceptent de s’offrir comme nourriture aux humains. Si ces interdits étaient transgressés, cela contrariait les esprits de ces animaux et pouvait provoquer des périodes de famines.
Également, le chamane pouvait être appelé pour trouver la raison d’une maladie ou autre infortune, en interrogeant la personne visée par différentes techniques (« head-lifting », « leg lifting[1] »). Il avait également le pouvoir de rétablir le beau temps après une longue période de mauvais temps qui nuisait à la chasse. Il pouvait aussi chasser les esprits malveillants, les tulapilait, qui rendaient les Inuits malades.
Par ailleurs, il est à noter qu’il existait des chamanes bienveillants, qui soignaient diverses maladies ou troubles, mais également d’autres, malveillants, qui pouvaient aller jusqu’à tuer leurs semblables. Il existait bien évidemment des femmes chamanes, plus rares, et l’on raconte, dans certaines histoires, qu’elles auraient été des angakkuit plus puissants que les hommes[2]. Aussi, deux chamanes pouvaient entrer en compétition par jalousie et, par l’entremise de leur pouvoir, pouvaient même en arriver à se détruire complètement.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
De nos jours, les rites et pratiques chamaniques se sont complexifiés de par la conversion des Inuits au christianisme, mais on peut tout de même encore constater la « prégnance de l’univers chamanique à un niveau sous-jacent[3] ».
Sites Internet consultés :
http://www.tradition-orale.ca
http://www.espace-inuit.org/
http://www.traditional-knowledge.ca/francais/pdf/Cosmology-And-Shamanism-F.pdf
[1] LAUGRAND, Frédéric., Jarich Oosten et François Trudel, « The Angakkuit », in Representing Tuurngait, Iqaluit : Nunatta-Campus/Arctic College, Coll. « Memory and History in Nunavut »,Vol. 1, 2000, p. 37.
[2] http://www.traditional-knowledge.ca/francais/pdf/Cosmology-And-Shamanism-F.pdf, p. 27.
[3] Dans LAUGRAND, Frédéric dir., Jarich Oosten, La nature des esprits dans les cosmologies autochtones , Québec, Presses de l’Université Laval, 2007, p. 2 (tiré de HURET, Pauline, Les Inuit de l’Arctique canadien, Québec, CIDEF-AFI, 2003).
La majorité des angakkuit entamaient leur initiation à l’adolescence, sous la direction d’un ou plusieurs chamanes. Mais la vocation pouvait arriver avant même la naissance, ou encore plus tardivement, à l’occasion d’événements marquants, tel un accident ou la perte brutale d’un proche. Cependant, tout le monde ne pouvait devenir chamane. Il fallait passer par toute une initiation qui ne pouvait avoir lieu avant que la personne choisie ait un contact avec un tuurngaq (l’esprit qui aide le chamane, son « esprit-auxiliaire »), qui approchait le chamane en premier. Les tuurngait sont des esprits, les âmes de parents décédés, des esprits-maîtres de différentes espèces animales ou des entités du monde terrestre ou aquatique. Ils peuvent être esprits des lacs, des rivières, des montagnes, ou esprits invisibles. Puis, le candidat devait passer toute une série d’épreuves, dont acquérir la vision chamanique, le pouvoir de voir les choses surnaturelles, cachées. Il fallait également qu’il s’enrichisse d’un vocabulaire spécifique, difficile d’accès, pour communiquer avec les esprits. L’apprentissage était ardu et pouvait s’étaler sur plusieurs hivers.
Quels sont les pouvoirs d’un angakkuq ?
Une fois devenu chamane, celui-ci pouvait être appelé pour régler de nombreux problèmes au sein de la communauté. Pour ce faire, il invoquait les esprits à l’aide de son tuurngaq (un chamane peut posséder plusieurs tuurngait au cours de sa vie) dans le but de trouver les raisons qui provoquaient la colère des esprits. Bien souvent, il s’agissait du non-respect des tabous. Une fois les esprits apaisés, le chamane retournait dans sa communauté pour rétablir l’harmonie. Chaque séance était accompagnée d’une confession collective des transgressions des membres de la communauté, un peu à la manière du sacrement chrétien de la confession publique.
En ce qui concerne ses diverses tâches, le chamane pouvait également être appelé pour procurer du gibier à sa communauté dans les temps de famine. En effet, les Inuit, dépendaient entièrement des animaux pour leur subsistance (nourriture, combustible, armes, vêtements, etc.). La chasse était donc leur seul moyen de survie. Dans la cosmologie inuite, les esprits des animaux étant très importants, il était essentiel de respecter de nombreux interdits ou tabous afin que les animaux acceptent de s’offrir comme nourriture aux humains. Si ces interdits étaient transgressés, cela contrariait les esprits de ces animaux et pouvait provoquer des périodes de famines.
Également, le chamane pouvait être appelé pour trouver la raison d’une maladie ou autre infortune, en interrogeant la personne visée par différentes techniques (« head-lifting », « leg lifting[1] »). Il avait également le pouvoir de rétablir le beau temps après une longue période de mauvais temps qui nuisait à la chasse. Il pouvait aussi chasser les esprits malveillants, les tulapilait, qui rendaient les Inuits malades.
Par ailleurs, il est à noter qu’il existait des chamanes bienveillants, qui soignaient diverses maladies ou troubles, mais également d’autres, malveillants, qui pouvaient aller jusqu’à tuer leurs semblables. Il existait bien évidemment des femmes chamanes, plus rares, et l’on raconte, dans certaines histoires, qu’elles auraient été des angakkuit plus puissants que les hommes[2]. Aussi, deux chamanes pouvaient entrer en compétition par jalousie et, par l’entremise de leur pouvoir, pouvaient même en arriver à se détruire complètement.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
De nos jours, les rites et pratiques chamaniques se sont complexifiés de par la conversion des Inuits au christianisme, mais on peut tout de même encore constater la « prégnance de l’univers chamanique à un niveau sous-jacent[3] ».
Sites Internet consultés :
http://www.tradition-orale.ca
http://www.espace-inuit.org/
http://www.traditional-knowledge.ca/francais/pdf/Cosmology-And-Shamanism-F.pdf
[1] LAUGRAND, Frédéric., Jarich Oosten et François Trudel, « The Angakkuit », in Representing Tuurngait, Iqaluit : Nunatta-Campus/Arctic College, Coll. « Memory and History in Nunavut »,Vol. 1, 2000, p. 37.
[2] http://www.traditional-knowledge.ca/francais/pdf/Cosmology-And-Shamanism-F.pdf, p. 27.
[3] Dans LAUGRAND, Frédéric dir., Jarich Oosten, La nature des esprits dans les cosmologies autochtones , Québec, Presses de l’Université Laval, 2007, p. 2 (tiré de HURET, Pauline, Les Inuit de l’Arctique canadien, Québec, CIDEF-AFI, 2003).