Société
CROYANCES ET CULTURES D’ICI ET D’AILLEURS
Cosmologies amérindiennes : Le chamanisme est-il compatible avec le christianisme ?
[Adeline Mantyk]
Mis en ligne le 16 octobre 2013, publication : Volume 3, numéro 2
Cosmologies amérindiennes : Le chamanisme est-il compatible avec le christianisme ?
[Adeline Mantyk]
Mis en ligne le 16 octobre 2013, publication : Volume 3, numéro 2
Les Inuits ont été convertis massivement au christianisme à partir de la fin du XVIIIe siècle. Ceux-ci démontrèrent un fort engouement pour la religion chrétienne ; les nouvelles croyances venues du Vieux Continent furent considérées de différentes manières par les chamanes inuits. En effet, certains chamanes avouèrent la force supérieure de ces nouveaux esprits, qu’ils souhaitaient s’approprier, ceux-ci s’investirent alors dans les nouveaux rites chrétiens, tandis que d’autres s’y adaptèrent moins vite¹.
Un inukshuk, construction de pierres
ayant forme humaine et possédant plusieurs fonctions, spirituelles comme
pratiques (orienter, signaler l’emplacement d’une cache, aide pour la chasse au
caribou, etc.). Crédit : FlickR/Royal Olive
Chamanisme et christianisme sont compatibles dans la mesure où, avec l’adoption du christianisme, la perte des pouvoirs des chamanes se fit moindre. En effet, ces derniers étaient en charge d’effectuer les conversions rituelles de leurs semblables, surtout dans les régions éloignées du Nord où il n’y avait pas de missionnaires. Les rituels de conversion, tels que celui du piusinaqtuq (ingestion d’un huard), avaient des connotations chamaniques (le côté rituel de la guérison) et chrétiennes (le fait de consommer l’oiseau entraînait une purification, comme pour la communion). De plus, certaines pratiques chrétiennes étaient en continuité des pratiques rituelles chamaniques, comme par exemple la confession (faire part de ses mauvaises actions pour les éliminer), élément fondamental dans les deux systèmes. De nos jours, certaines pratiques nouvelles, entre autres les cercles de guérison, ont été très bien accueillies par les Inuits chrétiens car elles reproduisent des éléments plus anciens reliés au chamanisme (extraire l’élément perturbateur) mais n’impliquent pas pour autant un renoncement des Inuits au christianisme.
D’un autre côté, l’apparition du christianisme fit disparaître certaines pratiques chamaniques. Par exemple, les fêtes de Noël ont remplacé les fêtes de tradition chamanique du solstice d’été. Autre exemple, au Nunavik, les chamanes se débarrassèrent de leurs amulettes au profit de chapelets ou de crucifix, ou encore le dimanche fut adopté comme jour d’abstinence. Cet engouement pour le christianisme venait en partie du fait que certains tabous en vigueur dans le système chamanique (comme l’ingestion de viscères de phoques auparavant interdite) pouvaient dès lors être transgressés.
En outre, certaines pratiques liées au chamanisme mais sans aucune relation avec le christianisme perdurent de nos jours, comme l’usage des rêves comme moyen de communication avec l’invisible ou bien l’éponymie. Ces rites et pratiques se sont complexifiés et avec les nouvelles notions provenant du christianisme (Dieu, Satan…), la plupart des entités spirituelles qui appartenaient à l’univers inuit ont disparu. Pour conclure, même si parfois considéré comme démoniaque, le chamanisme reste aujourd’hui toujours vivace. En effet, selon certains aînés du Nunavut : « il faudrait aujourd’hui mieux articuler chamanisme et christianisme si l’on veut vraiment respecter la façon de faire des Inuit »².
¹ Frédéric Laugrand, « Mourir et renaître. La conversion au christianisme des Inuit de l’Arctique de l’Est canadien », L'Homme, 1999, tome 39 n°152, p.122.
²texte de F.Laugrand, tiré de Pauline Huret (dir.), Les Inuit de l’Arctique canadien, 2003, Québec et Inuksuk, CIDEF-AFI, p.2.
Sites Internet consultés :
Espace Inuit : http://www.espace-inuit.org/
Inuit art of Canada/ L’art Inuit du canada : http://www.inuitartofcanada/
Recherches polaires : http://recherchespolaires.inist.fr/?Entre-chamanisme-et-christianisme
Chamanisme et christianisme sont compatibles dans la mesure où, avec l’adoption du christianisme, la perte des pouvoirs des chamanes se fit moindre. En effet, ces derniers étaient en charge d’effectuer les conversions rituelles de leurs semblables, surtout dans les régions éloignées du Nord où il n’y avait pas de missionnaires. Les rituels de conversion, tels que celui du piusinaqtuq (ingestion d’un huard), avaient des connotations chamaniques (le côté rituel de la guérison) et chrétiennes (le fait de consommer l’oiseau entraînait une purification, comme pour la communion). De plus, certaines pratiques chrétiennes étaient en continuité des pratiques rituelles chamaniques, comme par exemple la confession (faire part de ses mauvaises actions pour les éliminer), élément fondamental dans les deux systèmes. De nos jours, certaines pratiques nouvelles, entre autres les cercles de guérison, ont été très bien accueillies par les Inuits chrétiens car elles reproduisent des éléments plus anciens reliés au chamanisme (extraire l’élément perturbateur) mais n’impliquent pas pour autant un renoncement des Inuits au christianisme.
D’un autre côté, l’apparition du christianisme fit disparaître certaines pratiques chamaniques. Par exemple, les fêtes de Noël ont remplacé les fêtes de tradition chamanique du solstice d’été. Autre exemple, au Nunavik, les chamanes se débarrassèrent de leurs amulettes au profit de chapelets ou de crucifix, ou encore le dimanche fut adopté comme jour d’abstinence. Cet engouement pour le christianisme venait en partie du fait que certains tabous en vigueur dans le système chamanique (comme l’ingestion de viscères de phoques auparavant interdite) pouvaient dès lors être transgressés.
En outre, certaines pratiques liées au chamanisme mais sans aucune relation avec le christianisme perdurent de nos jours, comme l’usage des rêves comme moyen de communication avec l’invisible ou bien l’éponymie. Ces rites et pratiques se sont complexifiés et avec les nouvelles notions provenant du christianisme (Dieu, Satan…), la plupart des entités spirituelles qui appartenaient à l’univers inuit ont disparu. Pour conclure, même si parfois considéré comme démoniaque, le chamanisme reste aujourd’hui toujours vivace. En effet, selon certains aînés du Nunavut : « il faudrait aujourd’hui mieux articuler chamanisme et christianisme si l’on veut vraiment respecter la façon de faire des Inuit »².
¹ Frédéric Laugrand, « Mourir et renaître. La conversion au christianisme des Inuit de l’Arctique de l’Est canadien », L'Homme, 1999, tome 39 n°152, p.122.
²texte de F.Laugrand, tiré de Pauline Huret (dir.), Les Inuit de l’Arctique canadien, 2003, Québec et Inuksuk, CIDEF-AFI, p.2.
Sites Internet consultés :
Espace Inuit : http://www.espace-inuit.org/
Inuit art of Canada/ L’art Inuit du canada : http://www.inuitartofcanada/
Recherches polaires : http://recherchespolaires.inist.fr/?Entre-chamanisme-et-christianisme