Opinions
La Charte de l'ouverture québécoise
[Pierre-André Savard]
Mis en ligne le 29 novembre 2013, publication : Volume 3, numéro 3
L'éditorial d'Alexandre Royer-Lavallée d'octobre 2013, La Charte de la xénophobie québécoise, manquait de jugement et de nuances. La Charte des valeurs québécoises n'est pas un instrument légitimant la xénophobie, ni un instrument de contrôle des minorités par la majorité. La Charte des valeurs québécoises en est une d'ouverture aux autres.
Il est vrai que son nom, Charte des valeurs québécoises, fut bien mal choisi. Elle a un nom au relent identitaire mal placé. « Charte de la laïcité » aurait été un choix plus sage et consensuel. Toutefois, notre réflexion doit aller au-delà du nom et se pencher sur les propositions de celle-ci.
Sans donner de statistiques, M. Royer-Lavallé affirme que la majorité des citoyens qui appuie la Charte est à l'extérieur de Montréal. Dans la mesure où cette affirmation est vraie, cela ne change rien au fait qu’une large proportion de Montréalais et de Montréalaises l'appuie aussi. La marche des Janettes du 26 octobre dernier a montré la diversité des défenseurs de la Charte. Dans cette foule, il y avait des Québécois et des Québécoises de diverses origines ethniques et de diverses confessions religieuses. La majorité n'est donc pas un bloc monolithique de Québécois de souche, catholiques et francophones.
Il est évident que la conception de M. Royer-Lavallée de la société québécoise est teintée par celle de la Charte canadienne des droits et libertés de Pierre E. Trudeau. Il faut rappeler que cette charte canadienne a pour objectif premier d'isoler le Québec et sa majorité francophone dans une mer de minorités canadiennes. Or, c'est justement la négation des valeurs communes de la majorité qui a créé le psychodrame des accommodements raisonnables, jusqu'à la Charte des valeurs québécoises. À force de remettre en question des gains comme l'égalité hommes-femmes ou la neutralité religieuse des services publics au nom de la liberté religieuse, un malaise profond s'est enraciné chez les Québécois et les Québécoises. Enfin, beaucoup de nouveaux arrivants ont choisi le Québec pour les libertés qu'on y trouve. Une remise en question de l'égalité hommes-femmes et de la neutralité religieuse de l'État serait un retour en arrière tant pour les Québécois de souche que pour les néo-Québécois.
La comparaison de l'éditorialiste du journal Le Soufflet entre l'orientation sexuelle et la religion est boiteuse. L'orientation sexuelle est innée alors que la religion est un choix. Demander aux employés de l'État de retirer leurs signes religieux n'a rien d'odieux. Nous leur demandons déjà de cacher leur allégeance politique. Un citoyen doit être en mesure de recevoir des services basés, non pas selon les convictions politiques ou religieuses d'un employé de l'État, mais selon ses besoins propres. Contrairement aux convictions politiques ou religieuses, l'orientation sexuelle n'est pas accompagnée de signes ostentatoires et elle n'affecte aucunement le jugement d'une personne dans sa prise de décisions au travail.
La Charte des valeurs québécoises n'est assurément pas parfaite. M. Royer-Lavallée a souligné des incohérences évidentes comme le maintien du crucifix à l'Assemblée nationale. Néanmoins, dans l'ensemble cette charte permettra d'instaurer des balises claires. L'égalité hommes-femmes, de même que la neutralité absolue de l'État sont non négociables. Finalement, rappelons que le projet de loi sur la Charte sera déposé au cours de l'automne. Par conséquent, il ne faut pas la juger ou la condamner trop rapidement sans même connaître les modifications que le ministre Bernard Drainville apportera.
NDLR- Charte des valeurs et de la laïcité québécoises :
Le Ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville, a déposé le 7 novembre dernier le projet de loi n° 60 : « Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement ». Il y est notamment stipulé que les signes religieux ostentatoires seront interdits aux employés de la fonction publique et parapublique. Cela concerne donc particulièrement les établissements de santé et de services sociaux, les écoles, les centres de la petite enfance, les cégeps, les universités et les municipalités.
Le retrait du crucifix dans le salon bleu et l’application de la loi pour les députés seront, quant à eux, soumis à un vote à l’Assemblée nationale.
Lien pour accéder au projet de loi n°60 : http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-60-40-1.html.
Il est vrai que son nom, Charte des valeurs québécoises, fut bien mal choisi. Elle a un nom au relent identitaire mal placé. « Charte de la laïcité » aurait été un choix plus sage et consensuel. Toutefois, notre réflexion doit aller au-delà du nom et se pencher sur les propositions de celle-ci.
Sans donner de statistiques, M. Royer-Lavallé affirme que la majorité des citoyens qui appuie la Charte est à l'extérieur de Montréal. Dans la mesure où cette affirmation est vraie, cela ne change rien au fait qu’une large proportion de Montréalais et de Montréalaises l'appuie aussi. La marche des Janettes du 26 octobre dernier a montré la diversité des défenseurs de la Charte. Dans cette foule, il y avait des Québécois et des Québécoises de diverses origines ethniques et de diverses confessions religieuses. La majorité n'est donc pas un bloc monolithique de Québécois de souche, catholiques et francophones.
Il est évident que la conception de M. Royer-Lavallée de la société québécoise est teintée par celle de la Charte canadienne des droits et libertés de Pierre E. Trudeau. Il faut rappeler que cette charte canadienne a pour objectif premier d'isoler le Québec et sa majorité francophone dans une mer de minorités canadiennes. Or, c'est justement la négation des valeurs communes de la majorité qui a créé le psychodrame des accommodements raisonnables, jusqu'à la Charte des valeurs québécoises. À force de remettre en question des gains comme l'égalité hommes-femmes ou la neutralité religieuse des services publics au nom de la liberté religieuse, un malaise profond s'est enraciné chez les Québécois et les Québécoises. Enfin, beaucoup de nouveaux arrivants ont choisi le Québec pour les libertés qu'on y trouve. Une remise en question de l'égalité hommes-femmes et de la neutralité religieuse de l'État serait un retour en arrière tant pour les Québécois de souche que pour les néo-Québécois.
La comparaison de l'éditorialiste du journal Le Soufflet entre l'orientation sexuelle et la religion est boiteuse. L'orientation sexuelle est innée alors que la religion est un choix. Demander aux employés de l'État de retirer leurs signes religieux n'a rien d'odieux. Nous leur demandons déjà de cacher leur allégeance politique. Un citoyen doit être en mesure de recevoir des services basés, non pas selon les convictions politiques ou religieuses d'un employé de l'État, mais selon ses besoins propres. Contrairement aux convictions politiques ou religieuses, l'orientation sexuelle n'est pas accompagnée de signes ostentatoires et elle n'affecte aucunement le jugement d'une personne dans sa prise de décisions au travail.
La Charte des valeurs québécoises n'est assurément pas parfaite. M. Royer-Lavallée a souligné des incohérences évidentes comme le maintien du crucifix à l'Assemblée nationale. Néanmoins, dans l'ensemble cette charte permettra d'instaurer des balises claires. L'égalité hommes-femmes, de même que la neutralité absolue de l'État sont non négociables. Finalement, rappelons que le projet de loi sur la Charte sera déposé au cours de l'automne. Par conséquent, il ne faut pas la juger ou la condamner trop rapidement sans même connaître les modifications que le ministre Bernard Drainville apportera.
NDLR- Charte des valeurs et de la laïcité québécoises :
Le Ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville, a déposé le 7 novembre dernier le projet de loi n° 60 : « Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement ». Il y est notamment stipulé que les signes religieux ostentatoires seront interdits aux employés de la fonction publique et parapublique. Cela concerne donc particulièrement les établissements de santé et de services sociaux, les écoles, les centres de la petite enfance, les cégeps, les universités et les municipalités.
Le retrait du crucifix dans le salon bleu et l’application de la loi pour les députés seront, quant à eux, soumis à un vote à l’Assemblée nationale.
Lien pour accéder au projet de loi n°60 : http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-60-40-1.html.