ÉDITORIAL
La charte de la xénophobie québécoise
[Alexandre Royer-Lavallée]
Mis en ligne le 16 octobre 2013, publication : Volume 3, numéro 2
[Alexandre Royer-Lavallée]
Mis en ligne le 16 octobre 2013, publication : Volume 3, numéro 2
En
septembre 2013, Bernard Drainville, le ministre responsable des Institutions
démocratiques et de la Participation citoyenne, a présenté « sa »
Charte des valeurs québécoises. Parmi les cinq propositions qu’elle avance,
celle qui a fait le plus jaser concerne l’encadrement du port des signes
religieux ostentatoires par les employés de l’État.
Simplement à l’évocation de son titre, je ressens un certain malaise : en quoi l’État a-t-il à déterminer les valeurs que doivent respecter la population? Il est bien sûr certain que des valeurs sont communément partagées par une vaste majorité de Québécoises et de Québécois. Mais justement, puisqu’elles sont communes, d’où vient le besoin de les encadrer? Le ministre se base sur les témoignages tenus par des « citoyens inquiets ». Il est tout de même intéressant de constater que la majorité des gens qui appuient cette charte se retrouvent à l’extérieur de la région métropolitaine, où résident 70 % des nouveaux arrivants. Découlerait-elle donc d’une peur injustifiée?
J’approuve bien sûr l’établissement d’un État qui affirme sa neutralité religieuse. L’histoire du Québec, plus particulièrement dans sa sombre période de la Grande Noirceur, nous a prouvé l’importance d’un détachement clair entre les décideurs publics et les autorités religieuses. Toutefois, ce qui est drôlement incohérent dans cette charte, c’est que sa tolérance à l’ostentation est variable : l’énorme crucifix se trouvant au-dessus du président de l’Assemblée nationale, par exemple, y restera pour des raisons « patrimoniales ».
L’implantation d’une telle charte est donc basée sur le fait qu’une majorité de Québécoises et de Québécois appuient l’implantation d’un cadre législatif des valeurs québécoises. Or, légitimer une mesure car la majorité de la population l’appuie est, à mon avis, le meilleur moyen de brimer les minorités. Que seraient à l’heure actuelle les droits des homosexuels si les politiciens s’étaient toujours basés sur l’opinion de la majorité « silencieuse »?
Plusieurs argumentent que la religion est – et doit rester – dans le domaine privé. Il en va de même, selon plusieurs, pour l’orientation sexuelle. Or, bien qu’elles soient vécues de façons privées, elles sont inhérentes au comportement, à la façon d’être et d’agir et aux opinions. Bref, même en masquant sa religion, le croyant ne peut renier absolument les raisons qui sculptent sa personnalité et motivent ses actions.
Avant de brimer une partie de la population de sa liberté de religion, mieux vaudrait, à mon avis, commencer par s’appuyer sur des données scientifiques et vérifiables, plus que sur des commentaires et des ouï-dire. Combien d’employés et d’employées de l’État arborent des signes religieux? Nuisent-ils à la pratique de leurs fonctions? Quelle est la cause du malaise provoqué par la vue de ces signes religieux? Lorsque le ministre pourra répondre quantitativement à ces questions, peut-être que légiférer sera alors légitime…
Simplement à l’évocation de son titre, je ressens un certain malaise : en quoi l’État a-t-il à déterminer les valeurs que doivent respecter la population? Il est bien sûr certain que des valeurs sont communément partagées par une vaste majorité de Québécoises et de Québécois. Mais justement, puisqu’elles sont communes, d’où vient le besoin de les encadrer? Le ministre se base sur les témoignages tenus par des « citoyens inquiets ». Il est tout de même intéressant de constater que la majorité des gens qui appuient cette charte se retrouvent à l’extérieur de la région métropolitaine, où résident 70 % des nouveaux arrivants. Découlerait-elle donc d’une peur injustifiée?
J’approuve bien sûr l’établissement d’un État qui affirme sa neutralité religieuse. L’histoire du Québec, plus particulièrement dans sa sombre période de la Grande Noirceur, nous a prouvé l’importance d’un détachement clair entre les décideurs publics et les autorités religieuses. Toutefois, ce qui est drôlement incohérent dans cette charte, c’est que sa tolérance à l’ostentation est variable : l’énorme crucifix se trouvant au-dessus du président de l’Assemblée nationale, par exemple, y restera pour des raisons « patrimoniales ».
L’implantation d’une telle charte est donc basée sur le fait qu’une majorité de Québécoises et de Québécois appuient l’implantation d’un cadre législatif des valeurs québécoises. Or, légitimer une mesure car la majorité de la population l’appuie est, à mon avis, le meilleur moyen de brimer les minorités. Que seraient à l’heure actuelle les droits des homosexuels si les politiciens s’étaient toujours basés sur l’opinion de la majorité « silencieuse »?
Plusieurs argumentent que la religion est – et doit rester – dans le domaine privé. Il en va de même, selon plusieurs, pour l’orientation sexuelle. Or, bien qu’elles soient vécues de façons privées, elles sont inhérentes au comportement, à la façon d’être et d’agir et aux opinions. Bref, même en masquant sa religion, le croyant ne peut renier absolument les raisons qui sculptent sa personnalité et motivent ses actions.
Avant de brimer une partie de la population de sa liberté de religion, mieux vaudrait, à mon avis, commencer par s’appuyer sur des données scientifiques et vérifiables, plus que sur des commentaires et des ouï-dire. Combien d’employés et d’employées de l’État arborent des signes religieux? Nuisent-ils à la pratique de leurs fonctions? Quelle est la cause du malaise provoqué par la vue de ces signes religieux? Lorsque le ministre pourra répondre quantitativement à ces questions, peut-être que légiférer sera alors légitime…