Société
De Berlin à Sotchi : une impression de déjà vue
[Pierre-André Savard]
Mis en ligne le 11 avril 2014, publication : Volume 3, numéro 6
En février dernier, la Russie accueillait les Jeux olympiques d'hiver de Sotchi. Cet évènement fut une occasion inestimable pour le président Vladimir Poutine et les élites russes de montrer au monde la grandeur restaurée de la Russie. Le détournement des Jeux olympiques pour glorifier la nation est loin d'être nouveau. En effet, les Jeux olympiques de Sotchi ne sont pas sans rappeler ceux de Berlin en 1936. Après la défaite humiliante de l'Allemagne lors de la Première Guerre mondiale et les revers économiques et politiques de la République de Weimar, l'Allemagne nazie détourna le sens des jeux pour montrer au monde leur grandeur restaurée. Ces jeux ont même laissé en héritage un chef-d'œuvre cinématographique réalisé par la célèbre Leni Riefenstahl : Olympia. Le 20 avril prochain marquera le 76e anniversaire de la date de sortie de ce film de propagande à la gloire de l'Allemagne et des Jeux olympiques de Berlin de 1936. Cet anniversaire est donc une bonne occasion de revisiter ce documentaire et de comprendre le modelage des Jeux olympiques en un instrument de propagande.
Riefenstahl et l'Allemagne de 1936 : un aperçu
Leni Riefenstahl fut une importante cinéaste allemande du cinéma du IIIe Reich. Elle réalisa son premier film − Das blaue Licht − en 1932. À la suite de l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler en 1933, celui-ci demande à Riefenstahl de produire des films présentant la grandeur de l'Allemagne national-socialiste. Acquiesçant à la demande du führer, elle produit donc trois films pour les nazis: Sieg des Glauben (1933), Triumph des Willens (1934) et Olympia (1938). Malgré sa collaboration avec le IIIe Reich, elle se défendit jusqu'à sa mort d'avoir produit des films de propagande.
Trois ans après l'arrivée aux pouvoirs des nazis, Berlin accueillait les Jeux olympiques en 1936. Ces jeux furent l'occasion parfaite pour le führer de montrer aux autres nations le pacifisme du nouveau régime. Olympia était donc un bon instrument pour montrer au monde cette façade. Deux ans plus tard, lors de la sortie du film, en 1938, l'accueil fut très favorable en Allemagne et dans quelques pays européens. Cependant, l'Anschluss[1] fit en sorte que le film fut mal accueilli à l'étranger, notamment aux États-Unis et en France.
Olympia : le récit
Olympia est un film documentaire en noir et blanc divisé en deux parties: Fest der Völker (Festival des nations) et Fest der Schönheit (Festival de la beauté).
La première partie − Fest der Völker − débute avec un prélude d'une quinzaine de minutes qui se passe en Grèce antique. On y voit des hommes et des femmes de belle apparence pratiquer des sports antiques. Dès le début du film, le spectateur prend conscience de l'idéal de beauté physique de la cinéaste allemande. Le pont entre la Grèce antique et le IIIe Reich est superbement illustré à travers le relais de la torche. Ce dernier part d'une ruine grecque, traverse les Balkans et termine sa course dans le stade olympique de Berlin. Symboliquement, l'image est forte. À travers les Jeux de 1936, la nation allemande se veut l'héritière de la civilisation de la Grèce antique. Ensuite s'ouvrent les cérémonies d'ouverture des Jeux avec le traditionnel défilé des athlètes. Enfin, pour cette première partie, Riefenstahl se consacra exclusivement aux épreuves d'athlétisme.
La deuxième partie − Fest der Schönheit − débute aussi avec un prélude qui se passe cette fois-ci dans le village olympique. La cinéaste souhaite y montrer deux aspects: la beauté du corps masculin et l'harmonie entre les athlètes des diverses nations. Ainsi, on y voit des athlètes d'apparence nordique dans un sauna et l'auditeur assiste à une partie de basketball. En ce qui concerne les compétitions olympiques, Fest der Schönheit est plus diversifiée. Bien qu'il y ait encore de l'athlétisme, d'autres sports sont présentés, comme la voile, l'aviron, l'équitation, le cyclisme, le marathon et le plongeon.
Les personnages
Leni Riefenstahl s'est principalement attardée sur trois personnes pour ce documentaire: Adolf Hitler, le roi des jeux Jesse Owens et le marathonien japonais Ketei Son.
Le Führer allemand est surtout présent dans Fest der Völker. On le voit sur une estrade avec l'uniforme des S.A. Riefenstahl présente Hitler comme un amateur de sport. Il apparaît comme un homme joyeux qui partage les fièvres et les souffrances du peuple allemand. C'est tout le peuple allemand que la cinéaste tente de montrer à travers les réactions du führer face aux différentes épreuves. L'épreuve de la course à relais féminine représente parfaitement cette fièvre et cette souffrance. Forte d'une avancée de 10 mètres par rapport aux équipes adverses, la victoire semblait assurée aux Allemandes. Hitler est fou de joie. Cependant, lorsque celles-ci laissent tomber le témoin, elles minent leur avance et perdent la course. Manifestement, la déception se lit sur le visage d'Hitler et, conséquemment, de l'Allemagne entière. Cette scène représente à elle seule le génie de la cinéaste. L'auditeur se laisse captiver par la course et par les réactions du dictateur. Bref, peu importe les moyens utilisés, la cinéaste crée une analogie évidente entre le führer et son peuple. D'ailleurs, cette scène n'est pas sans rappeler l'image du président russe Vladimir Poutine qui était consterné en février dernier à la suite de la défaite de l'équipe masculine russe au hockey.
Après la dissolution du Reich, Riefenstahl a argué qu'elle n'avait pas fait un film de propagande, car elle a abondamment présenté deux athlètes aux antipodes de l'idéal aryen : l'Afro-Américain Jesse Owens et le Japonais Ketei Son. Riefenstahl est fascinée par ces deux individus (surtout Owens). Par contre, elle est plus intéressée par l'esthétisme (Owen) ou par la symbolique qu'ils représentent (Son) que par leurs exploits. Les séquences choisies par la cinéaste, où apparaît Owens, mettent en valeur davantage son physique, sa grâce et la puissance de ses mouvements que ses exploits sportifs. Il en va de même pour Son qui est présenté comme étant calme et serein, comparativement à ses adversaires qui ont le visage tendu par la fatigue et l'épuisement.
Owens et Son sont complémentaires dans la conception de l'idéal de beauté de Riefenstahl. D'une part, le sprinteur afro-américain incarne la force et la puissance physiques. D'autre part, Son représente l'endurance et la force intérieure. De plus, bien que la cinéaste affirme ne pas verser dans la propagande, ces caractéristiques sont proches de celles véhiculées par l'homme nouveau des idéologies fascistes. L'historien Raoul Girardet a défini les caractéristiques de cet homme-nouveau : « Il [le fascisme] glorifie aussi la volonté de lutte, l'énergie, et la force, les vertus de fidélité... ». Il est vrai que Riefenstahl a montré des sujets non aryens. Néanmoins, les caractéristiques qui sont mises en valeur sont très proches des idéaux fascistes.
Le montage au service de la beauté
Le défi de Riefenstahl était immense. Elle devait, d'une part, maintenir captivé l'auditeur pendant plus de trois heures ; d'autre part, il fallait travailler avec des faits réels et des résultats sportifs déjà connus. Par conséquent, le montage se trouve à être l'instrument idéal pour faire de ces moments éculés des scènes cinématographiques sublimes, voire transcendantes.
Grâce au montage, la cinéaste réussit à créer des instants cinématographiques épiques malgré la banalité de ceux-ci. Pour y arriver, elle combine lors d'une scène, des plans sur les exploits sportifs, des plans sur les réactions de la foule et des plans du Führer exalté. Cette combinaison réussit à tenir en haleine l'auditeur. De plus, parfois un exploit sportif est occulté au profit des réactions du public. Par exemple, pour montrer la puissance de Jesse Owens lors du saut en longueur, Riefenstahl filme la tête d'un homme qui suit la course de Owens. L'auditeur comprend et s'imagine la puissance de l'athlète sans même voir l'exploit de l'Américain.
Pour maintenir l'attention du spectateur et aussi pour servir son idéal de beauté, Riefenstahl a innové sur le plan technique. Ces innovations apparaissent clairement lors des épreuves de plongeon présentées dans Fest der Schönheit. Les mouvements de la caméra sont spectaculaires pour l'époque. Les caméras filment les plongeurs sous toutes les facettes − plongée, contre-plongée, etc. − et elles mettent en valeur les corps musclés des plongeurs et plongeuses. Cette scène demandait assurément une grande habileté technique de la part des cameramen. De surcroît, la cinéaste a la brillante idée de filmer la descente des plongeurs jusque sous l'eau. Le réalisme et l'intensité s'en trouvent augmentés. Enfin, certaines scènes de plongeons ont été refaites après les Jeux pour parfaire certains angles et mieux servir les intérêts du film. D'ailleurs, un auditeur attentif remarquera des gradins vides lors des scènes de plongeons.
* * *
Leni Riefenstahl prouve, avec Olympia, sa grande habileté à montrer le beau. Manifestement, la réalité ne l’intéresse pas. Ainsi, ce film laisse croire à l'auditeur que les Jeux olympiques de Berlin furent une épopée d’exploits, d’euphorie, de tristesse et d’espoir. Cependant, l’intensité de ces Jeux fut sans aucun doute exagérée par Riefenstahl. Rappelons que la cinéaste nous présente les moments qu’elle a elle-même choisis. Les moments sportifs moins intéressants, les spectateurs ennuyés et les compétitions moins populaires sont ainsi évacués du film. Olympia projette donc l’image de Jeux réussis, populaires et parfaits. Des Jeux à l’image de l’Allemagne hitlérienne.
À travers le récit et les personnages et grâce au montage et aux innovations techniques, la cinéaste a su créer un véritable film de propagande. Tous les thèmes principaux de ce film sont proches des idéaux nazis. La beauté, la force, la puissance et la perfection ne sont pas des thèmes seulement appréciés par Riefenstahl, mais bien par l’Allemagne nazie.
Finalement, bien qu’Olympia traite d’une époque révolue, ce film conserve une pertinence actuelle. Les innovations techniques introduites grâce à ce film sont toujours utilisées aujourd’hui. Ainsi, la manière de présenter les jeux à la télévision doit beaucoup aux innovations de la cinéaste allemande et à son talent de transformer des compétitions en spectacles. Le modèle d’Olympia n'est pas mort. En effet, le film 16 Days of Glory sur les exploits des Jeux de Los Angeles de 1980 peut être considéré comme le successeur d’Olympia. Enfin, l'utilisation des Jeux olympiques pour exalter la grandeur de la nation est loin d'être révolue. Les Jeux olympiques de Sotchi étaient avant tout un évènement pour montrer la puissance du pays hôte, la Russie. À l'instar des Jeux olympiques de Berlin, les exploits sportifs des derniers Jeux d'hiver étaient secondaires, à moins qu'ils ne missent en valeur la nation hôte.
Vidéos :
https://www.youtube.com/watch?v=lLnGqMoNXRI
https://www.youtube.com/watch?v=usTPricF8qo
Riefenstahl et l'Allemagne de 1936 : un aperçu
Leni Riefenstahl fut une importante cinéaste allemande du cinéma du IIIe Reich. Elle réalisa son premier film − Das blaue Licht − en 1932. À la suite de l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler en 1933, celui-ci demande à Riefenstahl de produire des films présentant la grandeur de l'Allemagne national-socialiste. Acquiesçant à la demande du führer, elle produit donc trois films pour les nazis: Sieg des Glauben (1933), Triumph des Willens (1934) et Olympia (1938). Malgré sa collaboration avec le IIIe Reich, elle se défendit jusqu'à sa mort d'avoir produit des films de propagande.
Trois ans après l'arrivée aux pouvoirs des nazis, Berlin accueillait les Jeux olympiques en 1936. Ces jeux furent l'occasion parfaite pour le führer de montrer aux autres nations le pacifisme du nouveau régime. Olympia était donc un bon instrument pour montrer au monde cette façade. Deux ans plus tard, lors de la sortie du film, en 1938, l'accueil fut très favorable en Allemagne et dans quelques pays européens. Cependant, l'Anschluss[1] fit en sorte que le film fut mal accueilli à l'étranger, notamment aux États-Unis et en France.
Olympia : le récit
Olympia est un film documentaire en noir et blanc divisé en deux parties: Fest der Völker (Festival des nations) et Fest der Schönheit (Festival de la beauté).
La première partie − Fest der Völker − débute avec un prélude d'une quinzaine de minutes qui se passe en Grèce antique. On y voit des hommes et des femmes de belle apparence pratiquer des sports antiques. Dès le début du film, le spectateur prend conscience de l'idéal de beauté physique de la cinéaste allemande. Le pont entre la Grèce antique et le IIIe Reich est superbement illustré à travers le relais de la torche. Ce dernier part d'une ruine grecque, traverse les Balkans et termine sa course dans le stade olympique de Berlin. Symboliquement, l'image est forte. À travers les Jeux de 1936, la nation allemande se veut l'héritière de la civilisation de la Grèce antique. Ensuite s'ouvrent les cérémonies d'ouverture des Jeux avec le traditionnel défilé des athlètes. Enfin, pour cette première partie, Riefenstahl se consacra exclusivement aux épreuves d'athlétisme.
La deuxième partie − Fest der Schönheit − débute aussi avec un prélude qui se passe cette fois-ci dans le village olympique. La cinéaste souhaite y montrer deux aspects: la beauté du corps masculin et l'harmonie entre les athlètes des diverses nations. Ainsi, on y voit des athlètes d'apparence nordique dans un sauna et l'auditeur assiste à une partie de basketball. En ce qui concerne les compétitions olympiques, Fest der Schönheit est plus diversifiée. Bien qu'il y ait encore de l'athlétisme, d'autres sports sont présentés, comme la voile, l'aviron, l'équitation, le cyclisme, le marathon et le plongeon.
Les personnages
Leni Riefenstahl s'est principalement attardée sur trois personnes pour ce documentaire: Adolf Hitler, le roi des jeux Jesse Owens et le marathonien japonais Ketei Son.
Le Führer allemand est surtout présent dans Fest der Völker. On le voit sur une estrade avec l'uniforme des S.A. Riefenstahl présente Hitler comme un amateur de sport. Il apparaît comme un homme joyeux qui partage les fièvres et les souffrances du peuple allemand. C'est tout le peuple allemand que la cinéaste tente de montrer à travers les réactions du führer face aux différentes épreuves. L'épreuve de la course à relais féminine représente parfaitement cette fièvre et cette souffrance. Forte d'une avancée de 10 mètres par rapport aux équipes adverses, la victoire semblait assurée aux Allemandes. Hitler est fou de joie. Cependant, lorsque celles-ci laissent tomber le témoin, elles minent leur avance et perdent la course. Manifestement, la déception se lit sur le visage d'Hitler et, conséquemment, de l'Allemagne entière. Cette scène représente à elle seule le génie de la cinéaste. L'auditeur se laisse captiver par la course et par les réactions du dictateur. Bref, peu importe les moyens utilisés, la cinéaste crée une analogie évidente entre le führer et son peuple. D'ailleurs, cette scène n'est pas sans rappeler l'image du président russe Vladimir Poutine qui était consterné en février dernier à la suite de la défaite de l'équipe masculine russe au hockey.
Après la dissolution du Reich, Riefenstahl a argué qu'elle n'avait pas fait un film de propagande, car elle a abondamment présenté deux athlètes aux antipodes de l'idéal aryen : l'Afro-Américain Jesse Owens et le Japonais Ketei Son. Riefenstahl est fascinée par ces deux individus (surtout Owens). Par contre, elle est plus intéressée par l'esthétisme (Owen) ou par la symbolique qu'ils représentent (Son) que par leurs exploits. Les séquences choisies par la cinéaste, où apparaît Owens, mettent en valeur davantage son physique, sa grâce et la puissance de ses mouvements que ses exploits sportifs. Il en va de même pour Son qui est présenté comme étant calme et serein, comparativement à ses adversaires qui ont le visage tendu par la fatigue et l'épuisement.
Owens et Son sont complémentaires dans la conception de l'idéal de beauté de Riefenstahl. D'une part, le sprinteur afro-américain incarne la force et la puissance physiques. D'autre part, Son représente l'endurance et la force intérieure. De plus, bien que la cinéaste affirme ne pas verser dans la propagande, ces caractéristiques sont proches de celles véhiculées par l'homme nouveau des idéologies fascistes. L'historien Raoul Girardet a défini les caractéristiques de cet homme-nouveau : « Il [le fascisme] glorifie aussi la volonté de lutte, l'énergie, et la force, les vertus de fidélité... ». Il est vrai que Riefenstahl a montré des sujets non aryens. Néanmoins, les caractéristiques qui sont mises en valeur sont très proches des idéaux fascistes.
Le montage au service de la beauté
Le défi de Riefenstahl était immense. Elle devait, d'une part, maintenir captivé l'auditeur pendant plus de trois heures ; d'autre part, il fallait travailler avec des faits réels et des résultats sportifs déjà connus. Par conséquent, le montage se trouve à être l'instrument idéal pour faire de ces moments éculés des scènes cinématographiques sublimes, voire transcendantes.
Grâce au montage, la cinéaste réussit à créer des instants cinématographiques épiques malgré la banalité de ceux-ci. Pour y arriver, elle combine lors d'une scène, des plans sur les exploits sportifs, des plans sur les réactions de la foule et des plans du Führer exalté. Cette combinaison réussit à tenir en haleine l'auditeur. De plus, parfois un exploit sportif est occulté au profit des réactions du public. Par exemple, pour montrer la puissance de Jesse Owens lors du saut en longueur, Riefenstahl filme la tête d'un homme qui suit la course de Owens. L'auditeur comprend et s'imagine la puissance de l'athlète sans même voir l'exploit de l'Américain.
Pour maintenir l'attention du spectateur et aussi pour servir son idéal de beauté, Riefenstahl a innové sur le plan technique. Ces innovations apparaissent clairement lors des épreuves de plongeon présentées dans Fest der Schönheit. Les mouvements de la caméra sont spectaculaires pour l'époque. Les caméras filment les plongeurs sous toutes les facettes − plongée, contre-plongée, etc. − et elles mettent en valeur les corps musclés des plongeurs et plongeuses. Cette scène demandait assurément une grande habileté technique de la part des cameramen. De surcroît, la cinéaste a la brillante idée de filmer la descente des plongeurs jusque sous l'eau. Le réalisme et l'intensité s'en trouvent augmentés. Enfin, certaines scènes de plongeons ont été refaites après les Jeux pour parfaire certains angles et mieux servir les intérêts du film. D'ailleurs, un auditeur attentif remarquera des gradins vides lors des scènes de plongeons.
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Leni Riefenstahl prouve, avec Olympia, sa grande habileté à montrer le beau. Manifestement, la réalité ne l’intéresse pas. Ainsi, ce film laisse croire à l'auditeur que les Jeux olympiques de Berlin furent une épopée d’exploits, d’euphorie, de tristesse et d’espoir. Cependant, l’intensité de ces Jeux fut sans aucun doute exagérée par Riefenstahl. Rappelons que la cinéaste nous présente les moments qu’elle a elle-même choisis. Les moments sportifs moins intéressants, les spectateurs ennuyés et les compétitions moins populaires sont ainsi évacués du film. Olympia projette donc l’image de Jeux réussis, populaires et parfaits. Des Jeux à l’image de l’Allemagne hitlérienne.
À travers le récit et les personnages et grâce au montage et aux innovations techniques, la cinéaste a su créer un véritable film de propagande. Tous les thèmes principaux de ce film sont proches des idéaux nazis. La beauté, la force, la puissance et la perfection ne sont pas des thèmes seulement appréciés par Riefenstahl, mais bien par l’Allemagne nazie.
Finalement, bien qu’Olympia traite d’une époque révolue, ce film conserve une pertinence actuelle. Les innovations techniques introduites grâce à ce film sont toujours utilisées aujourd’hui. Ainsi, la manière de présenter les jeux à la télévision doit beaucoup aux innovations de la cinéaste allemande et à son talent de transformer des compétitions en spectacles. Le modèle d’Olympia n'est pas mort. En effet, le film 16 Days of Glory sur les exploits des Jeux de Los Angeles de 1980 peut être considéré comme le successeur d’Olympia. Enfin, l'utilisation des Jeux olympiques pour exalter la grandeur de la nation est loin d'être révolue. Les Jeux olympiques de Sotchi étaient avant tout un évènement pour montrer la puissance du pays hôte, la Russie. À l'instar des Jeux olympiques de Berlin, les exploits sportifs des derniers Jeux d'hiver étaient secondaires, à moins qu'ils ne missent en valeur la nation hôte.
Vidéos :
https://www.youtube.com/watch?v=lLnGqMoNXRI
https://www.youtube.com/watch?v=usTPricF8qo