Cause if they used us they abused us*
Julie Larivière - 8 décembre 2014
Tous les soirs, Annie entre dans ce petit café de la rue Notre-Dame. À travers les conversations et les rires, on la remarque peu. Assise à la même table près de la fenêtre. Seule. Un café noir devant elle. Elle ne parle pas. Elle ne bouge pas. Elle reste là, les yeux rivés sur la chaise devant elle.
Elle repense à cette soirée. Celle où elle a surpris son mari au lit avec une autre femme. Il n’a pas essayé de s’expliquer. Encore moins de s’excuser. Ce soir, la pluie colle à la fenêtre. Annie fixe une gouttelette et suit sa descente jusqu’au rebord inondé. L’eau reflète les lumières tamisées de la pièce et crée des images troubles à la surface de son café. Annie revoit sa comédie musicale préférée jouer au rythme des taches orangées qui dansent sur sa boisson. Comme Velma dans Chicago, elle aurait dû en finir avec son mari. I can’t even remember a thing, it wasn’t until later When I was washing the blood off my hands I knew they were dead. Annie revoit la scène du meurtre. Un sourire en coin s’affiche sur ses lèvres. Le premier depuis des semaines. Est-ce là la solution à ses problèmes ? Oui ! Elle le ferait souffrir. Après tout, il le mérite. Elle pourrait ensuite être libre. Elle n’aurait plus ce terrible poids qui l’empêche de tourner la page. Elle s’imagine devant lui, un fusil à la main. Se sentait-il enfin coupable ? Elle n’attendrait pas de le découvrir. Elle souhaitait le voir mort à ses pieds. Elle voulait le sang de son mari sur les mains. Puis elle quitterait l’appartement. Satisfaite. He had it coming, he had it coming He only had himself to blame If you’d have been there, if you’d have heard it I betcha you would have done the same Annie est décidée à faire comme le personnage de Velma. Elle va tuer son mari ! Elle se lève brusquement de sa chaise et sort du café. La pluie tombe sur son visage. Elle s’en fout ! Elle veut sa vengeance. Le faire souffrir plus qu’elle n’a souffert. Ses pas s’accélèrent. Elle a besoin de le voir agoniser sous ses yeux. De lui prouver qu’elle n’est pas faible sans lui. Annie entre dans son appartement. Elle remarque les papiers de divorce qui traînent depuis plusieurs jours… et les couteaux de cuisine juste à côtés. Une lueur meurtrière brille dans ses pupilles. Elle décroche le téléphone, compose le numéro de son mari et attend. Le répondeur s’enclenche. Annie sait déjà ce qu’elle a à dire. Bonsoir Charles. J’ai reçu les papiers de divorce hier. Si tu pouvais passer à mon appartement dans le courant de la semaine pour les signer, je pourrais les renvoyer d’ici vendredi. |
*« Cell Block
Tango » de la comédie musicale Chicago.